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Toute ma vie et à jamais

Durant l’année 2012, j’ai poursuivi mes entrainements, mes habitudes quotidiennes et ma rééducation à l’alto. J’ai à travaillé le concerto de Michael Haydn. Pendant l’été suivant, j’ai pu participer aux « Nuits Romanes » comme si je n’avais jamais fait d’AVC et j’ai donné plusieurs concerts avec le « Quintette Franco-Polonais » entre autres. J’ai constaté que la musique de chambre me stimule et que j’ai pratiquement retrouvé mes anciens réflexes, même si je ne sens toujours pas mon bras et tout mon coté droit.
Depuis ma conception, ma vie est « un combat » et désormais, chaque jour, je dois lutter avec toutes mes armes contre l’insensibilité d’une partie de mon corps. Je m’impose une stricte discipline. Chaque matin, je dois réveiller mes muscles et mes sensations avec les objets de torture d’Alice. Puis, je travaille ma musique pendant deux heures. Ensuite, seulement, je peux reprendre ma vie de musicien, d’entrepreneur et d’artiste polyvalent.

A l’automne 2012 je suis bien parti à Timisoara ! C’est Florence qui m’a conduit à l’aéroport. C’était la première fois que je quittais la maison pour faire un aussi grand voyage et en avion après mon AVC. J’avais tout planifié, mais je redoutais que cela ne se passe pas comme je l’avais prévu à cause des litiges diplomatiques entre le gouvernement français qui avait froissé les responsables Roumains. Le tout nouveau ministre de l’intérieur venait de leur imposer le rapatriement de milliers « de Roms indésirables en France ». Faire l’amalgame entre « les Roms» qu’ils détestent et eux. « Les Roumains », avait touché la fierté de toute une nation. Et je le comprends  mais le festival a failli être annulé !
Après 7 heures d’attentes interminables à Roissy, l’avion est quand même parti de Paris. Je suis arrivé à Timisoara à 23 heures ! Une répétition était prévue dans le courant de l’après midi. J’ai dû téléphoner pour la faire annuler. Ca commençait mal !

Le lendemain, j’ai fait la connaissance du charmant Felician Rosca qui parle assez bien le français. Nous sommes allés tous les deux rencontrer les autorités locales encore très remontées contre les français. Je leur ai expliqué en anglais que ce serait vraiment dommage qu’un festival soit annulé à cause d’un différent politique et que la musique se devait d’être au-dessus des clivages nationaux. Après une longue discussion, tout s’est enfin arrangé.
Sur place, cinq jours seulement étaient prévus pour répéter avec l’orchestre qui n’avait jamais joué ni le concerto, ni avec moi. C’était court, mais possible avec de bons musiciens qui m’ont finalement accueilli les bras et le cœur ouverts. Après leur avoir également parlé, sur les conseils de Félician, ils ont exprimé leur joie de travailler avec un représentant de la France. Entre deux répétitions, mes nouveaux amis m’ont fait visiter leur belle ville et découvrir leurs spécialités culinaires et artisanales. J’ai pu assister à de beaux offices orthodoxes et catholiques, acheter de magnifiques icônes et de nombreux souvenirs. J’ai été extraordinairement gâté par les musiciens, le chef d’orchestre, et bien sûr, par le professeur Felician Rosca, célèbre organiste et directeur de la « Faculté Nationale de Musique » de Timisoara.
Je n’ai parlé à personne de mon état de santé. J’ai continué discrètement ma rééducation à l’hôtel et j’ai joué de l’orgue avant chaque répétition. J’ai ainsi réussi à tenir le coup d’une manière assez incroyable durant toutes les répétitions nécessaires sans baisser le niveau sous la direction de l’éminent chef d’orchestre et compositeur Alexander Graur fort impressionné par… ma très belle sonorité d’altiste ! S’il avait connu la vérité !
Lors du concert inaugural, j’ai eu l’idée de me placer à côté du banc de l’orgue assez imposant, derrière le pupitre des 4 altistes de l’orchestre national de Roumanie. Ainsi je pouvais m’assoir discrètement et ne me lever que pour les solos et les cadences sans que personne ne s’en aperçoive.
Ce fut un très grand succès, enregistré et retransmis en direct à la télévision du pays. A l’issue du concert il y a eu une très belle cérémonie avec des journalistes, de très nombreux élus et officiels nationaux, le maire de la ville, les diplomates de France et de Roumanie apparemment réconciliés grâce au sublime double concerto de Michaël Haydn. Quelle victoire pour moi ! Alléluia !