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Un nouveau monde

Je n’ai pas oubliĂ© la promesse faite Ă  mes fils : tenter de retrouver mes origines qui sont aussi les leurs. Trouver nos racines pour mieux dĂ©ployer nos ailes. Tous les conseillers spirituels, les thĂ©rapeutes que j’ai consultĂ©s, m’ont poussĂ© dans ce sens. Cela me permettrait d’avancer plus sereinement dans la vie et de guĂ©rir d’un tas de blessures qui gĂątent mon quotidien. DĂšs que j’ai pu me dĂ©placer seul et conduire sans risque, j’ai pris contact avec les services de la DASS pour avoir enfin accĂšs Ă  mon dossier. J’ai fait ces dĂ©marches sans en parler Ă  mes parents pour ne pas les contrarier ni leur donner l’impression de les trahir.
J’ai Ă©tĂ© trĂšs bien reçu Ă  l’ADASS de Chaumont mĂȘme si j’ai eu la sensation que ma demande gĂȘnait beaucoup de monde. AprĂšs plusieurs courriers, j’ai obtenu une convocation. A mon arrivĂ©e, j’étais « attendu » par tout un groupe de personnes. TrĂšs surpris, je leur ai demandĂ© si c’était une habitude. Je compris vite que non, et qu’ils craignaient mes rĂ©actions. Des spĂ©cialistes de prise en charge psychologique avaient Ă©tĂ© engagĂ©s tout exprĂšs pour moi par le directeur.
On m’a conduit dans son bureau oĂč il a commencĂ© par me dire que j’allais ĂȘtre déçu car mon dossier Ă©tait pratiquement vide.
« Voulez vous quand mĂȘme le consulter ? »
« Oui, je ne serais pas venu pour rien. Et je dois la vérité à mes enfants ! » 
Il me fit alors conduire Ă  l’écart avec une ou deux personnes Ă  mes cĂŽtĂ©s pour m’assister en cas de besoin. Je vis sur la table un dossier rouge avec Ă©crit dessus au feutre noir : « numĂ©ro 220666 ». Il contenait une fiche avec ces mots : « Jeune Pupille Eric RiviĂšre », nĂ© le 28 04 1966 Ă  Chaumont, rayĂ© et remplacĂ© par Langres. J’ai eu les larmes aux yeux en dĂ©couvrant enfin la confirmation de mon vĂ©ritable prĂ©nom. Celui que j’aurais voulu porter aprĂšs mon adoption, mais comme je parlais trĂšs mal, je disais « FrĂ©ric » et tout le monde pensaient que je parlais d’un FrĂ©dĂ©ric. J’y dĂ©couvris mon « Certificat de baptĂȘme » Ă  la Chapelle Sainte Madeleine de Chaumont, une seule photo de moi bĂ©bĂ©, en noir et blanc (celle dont j ‘ai dĂ©jĂ  parlĂ©, floue et dont on ne peut pas tirer grand chose), de trĂšs nombreux courriers en vue de l’enquĂȘte et du suivi de mon adoption, des Ă©changes avec ma future maman Denise Hilger avec photos de nos premiĂšres vacances Ă  Cabris prĂšs de Grasse. Mais aucune trace de mon patronyme ni de mes annĂ©es d’errance. En effet, il n’y avait rien de ce que j’attendais.
Le directeur me posa familiĂšrement une main sur l’épaule.
« Pas trop déçu ? C’est curieux votre dossier. Tout a Ă©tĂ© manipulé ! » avoua-t-il.  « Et par des gens influents. MĂȘme votre date de naissance a Ă©tĂ© raturĂ©e regardez ! On dit que vous ĂȘtes nĂ© Chaumont alors que sur votre extrait de naissance officiel il est indiquĂ© Langres. On se demande comment et qui vous a dĂ©clarĂ© « jeune pupille » ce qui veut dire chez nous « orphelin », aprĂšs vous avoir fait baptiser dans une enceinte militaire Ă  la demande d’une certaine « Maryse RiviĂšre ». Qui serait donc votre mĂšre ! Nous par contre n’avons aucune information concernant votre pĂšre. Contrairement Ă  nos usages, on ne trouve rien de prĂ©cis et seulement quelques bribes d’informations pas trĂšs convaincantes au sujet de votre mĂšre. On nous a dit que vous Ă©tiez trĂšs choquĂ© depuis votre naissance et que vous risquiez d’avoir des sĂ©quelles graves ».
Il fit appeler les psychologues. L’un d’entre eux me demanda :
« Avez-vous des addictions, un problĂšme avec l’alcool ? Dormez vous bien ? Vous arrive t il de rĂȘver ? »
Puis le directeur poursuivit :
« A l’époque on nous a demandĂ© de vous prĂ©senter en tant qu’orphelin Ă  vos futurs parents adoptifs. Il ne doit pas y avoir beaucoup de bĂ©bĂ©s de quelques mois qu’un prĂȘtre aumĂŽnier militaire baptise dans la chapelle de l’hĂŽpital dĂ©pendant du Fort de Chaumont et qui, en 1966, Ă©tait sous bonne garde ! Il y a plein d’incohĂ©rences dans votre dossier. On a voulu brouiller les pistes ! Le mystĂšre persiste pour vous et vous m’en voyez dĂ©solé ».
Il accepta que je prenne la photo de moi bébé Eric et une lettre de ma future mÚre adoptive.
« En gĂ©nĂ©ral les dossiers sont trĂšs fournis », ajoute-t-il. « Il y a tout pour retrouver les parents. Vous avez Ă©tĂ© pris en charge par l’ArmĂ©e française avant votre arrivĂ©e Ă  l’orphelinat en 1968. OĂč Ă©tiez-vous avant ? Vos parents adoptifs ont Ă©tĂ© trĂšs mĂ©ticuleusement sĂ©lectionnĂ©s et longtemps surveillĂ©s. Ce n’est pas habituel. Votre cas est incroyable. Je n’ai jamais vu ça de toute ma carriĂšre et j’ai de la peine pour vous ! »
Il se leva de sa chaise et poursuivit avant de sortir :
« Surtout ne vous arrĂȘtez pas de chercher. Faites- vous aider et suivez une thĂ©rapie. Il y a la rĂ©flexologie, l’analyse de vos rĂȘves, l’hypnose. Ne perdez pas espoir ! »
Et il me donna son numéro de téléphone en me disant :

Quelques mois plus tard, suivant ses recommandations et celles de mes conseillers spirituels, je poursuis mes recherches et rentre en contact avec Béatrice Bobay et Ginette Delorme, sophrologues qui corroborent mes flashs et les révélations des médiums guérisseurs Danya et Véronique.
Six mois aprĂšs mon rendez vous Ă  la DASS de Chaumont, l’ancien directeur enfin retraitĂ© et libre de parler me recontacte pour m’apporter d’autres prĂ©cisions, et savoir oĂč j’en suis.
Voici enfin la synthĂšse concernant mes racines et celles de mes garçons. Elle est rĂ©alisĂ©e en additionnant mes flashs et tous mes souvenirs prĂ©cis ajoutĂ©s aux rĂ©vĂ©lations accumulĂ©es dont les prĂ©cisions apportĂ©es par l’ancien directeur de la DASS.
Ma mĂšre s’appelle en rĂ©alitĂ© « Maria », descendante d’aristocrates russes liĂ©s Ă  la famille Romanov et de juifs polonais, elle est nĂ©e en Avril 1946. Parlant parfaitement le français qui Ă©tait la langue des nobles et de la diplomatie, tout juste ĂągĂ©e de 19 ans, mineure et rĂ©fugiĂ©e, elle se cachait en France, dans les Ardennes. AprĂšs des atrocitĂ©s commises envers beaucoup des siens par le rĂ©gime communiste, elle avait rĂ©ussi Ă  fuir les zones soviĂ©tiques dangereuses et Ă  changer d’identitĂ©. TraumatisĂ©e et terrorisĂ©e, se sachant recherchĂ©e par le KGB, elle se faisait appeler « Maryse RiviĂšre » pour passer inaperçue, prĂ©nom et nom courants en France. Elle Ă©tait trĂšs Ă©rudite et musicienne. Elle Ă©crivait des poĂšmes.
Elle travaillait comme traductrice pour des Ă©diteurs et des imprimeurs en Haute Marne. C’était la pleine «Epoque Rouge» et les milices bolchĂ©viques persĂ©cutaient les nobles, les intellectuels, les artistes, les croyants russes et polonais, orthodoxes, catholiques et juifs en particulier considĂ©rĂ©s comme les amis des amĂ©ricains. Les services secrets Ă©taient trĂšs actifs et particuliĂšrement zĂ©lĂ©s pour les pourchasser. Ils n’hĂ©sitaient pas Ă  lancer contre eux les commandos du KGB au delĂ  de leurs frontiĂšres. Cela a inspirĂ© Ian Fleming, auteur de James Bond. C’est l’époque du Parapluie Bulgare. Il y eut beaucoup d’exĂ©cutions hors des frontiĂšres de l’URSS, dĂ©guisĂ©es en suicides ou en accidents.
Durant les annĂ©es 1964-65, ma mĂšre s’était faite remarquer par sa connaissance des langues et l’Etat Major Ă  Chaumont et Ă  Langres commençait Ă  utiliser ses compĂ©tences de traductrice. C’est ainsi qu’elle aurait connu mon futur pĂšre, un aristocrate devenu diplomate, plus ĂągĂ© qu’elle, assez fortunĂ©, français mais d’origine juive, passionnĂ© par les arts et artiste peintre lui mĂȘme. A partir de 1964 il Ă©tait « au service de la France » mais sĂ»rement « agent double ». Il allait ĂȘtre nommĂ© pour une mission trĂšs officielle ou officieuse (en lien avec l’ArmĂ©e française ce qui expliquerait mon Ă©tat de « pupille ») Ă  l’Ambassade de France en IsraĂ«l. C’est alors qu’il rencontra ma mĂšre. Coup de foudre total, mais lui Ă©tait beaucoup plus ĂągĂ© et sa famille voyait d’un trĂšs mauvais Ɠil cette aventure avec une jeunette encore mineure et qu’elle croyait dĂ©sargentĂ©e car Maria, trĂšs mĂ©fiante, ne lui avait pas rĂ©vĂ©lĂ© son milieu d’origine.
Mon pĂšre Ă©tait forcĂ©ment trĂšs proches des autoritĂ©s influentes. Il devait participer Ă  l’élaboration de stratĂ©gies internationales. Il entretenait des relations confidentielles et dangereuses vis-Ă -vis des belligĂ©rants du moment : l’AmĂ©rique, l’état d’IsraĂ«l et l’URSS. Les deux amoureux essayaient de se voir en secret. Mon pĂšre en tant que diplomate fit la demande de pouvoir emmener ma mĂšre en IsraĂ«l en tant que traductrice. En plein conflit avec la Palestine, ma mĂšre est tombĂ©e enceinte. Quelques temps plus tard, Ă©clata « La Guerre des Six Jours ».

Je serais bien nĂ© le 28 avril 1966 mais prĂ©maturĂ©ment, dans une ambiance de tension et d’angoisse assez gĂ©nĂ©rale. LĂ  se situerait probablement la pĂ©riode qui me traumatise toujours avec les fusillades, les cris de condamnĂ©s, les images de pendaisons, le sang rĂ©pandu autour de moi. Les fuites toujours de nuit. OĂč Ă©tais-je ? Mes parents avaient-il Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s et condamnĂ©s, tuĂ©s ? Je n’en sais pas plus Ă  ce jour. Suis je « orphelin », « pupille » comme on l’a dit Ă  mes parents adoptifs ? Suis je nĂ© en France ou Ă  l’étranger ? En haute Marne ? A Chaumont ? A Langres ? En IsraĂ«l ? En Pologne ? En Russie ?
La seule chose que je sais, c’est qu’à un moment, j’ai bel et bien Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ© par l’armĂ©e et que je suis revenu sur le sol français et en Haute Marne. Quand et comment ? Je n’ai Ă©tĂ© remis Ă  la DASS que le 14 dĂ©cembre 1967 aprĂšs avoir Ă©tĂ© baptisĂ© Eric en Juin 1966 en la chapelle Sainte Madeleine Ă  l’hĂŽpital militaire de Chaumont « à la demande de Maryse RiviĂšre ». OĂč Ă©tais-je entretemps ?
Ma mĂšre, complĂštement ruinĂ©e, seule, ne pouvant plus subvenir Ă  mes besoins, aurait laissĂ© une lettre manuscrite explicative qui va dans ce sens et que l’on m’a remise. Mais est-ce la vĂ©ritable raison ? Elle y explique avec une fort belle Ă©criture rĂ©guliĂšre et fine, qu’étant majeur et de nouveau enceinte, elle dĂ©sirait se marier avec son nouveau fiancĂ© un homme aisĂ© qui pouvait enfin lui apporter le bonheur, mais qui ne voulait pas entendre parler d’un enfant nĂ© d’un autre homme. Faut-il la croire ? Le directeur de la DASS m’a certifiĂ© que ce genre de justification Ă©tait trĂšs couramment utilisĂ© Ă  cette Ă©poque lors d’un « abandon » mais qui ne tient pas dans mon cas de « jeune pupille ».
VoilĂ  ce que m’a assuré un responsable de l’Assistance Publique rencontrĂ© un peu plus tard :
« Pupille «de la nation» ou « de l’état » a un sens prĂ©cis pour notre institution. En cas de difficultĂ©s financiĂšres d’un des parents, il y avait dĂ©jĂ , Ă  l’époque, des aides prĂ©vues, ce n’est donc pas un argument suffisant pour abandonner un enfant. Et puis, cet abandon pour pouvoir se marier alors que la mĂšre est majeure n’était dĂ©jĂ  plus un argument recevable. C’est fortement improbable dans votre cas, surtout aprĂšs avoir Ă©tĂ© rapatriĂ© et pris en charge par l’armĂ©e. En gĂ©nĂ©ral, un « abandon sous x » se fait Ă  la naissance mais ce n’est pas votre cas. S’il n’est dĂ©cidĂ© que plusieurs mois ou plusieurs annĂ©es aprĂšs la naissance, comme pour vous, il y a forcĂ©ment une enquĂȘte et un jugement de tribunal que l’on trouverait dans votre dossier. On demande toujours Ă  la mĂšre de retracer le parcours exact de son enfant et on en informe les parents adoptifs. DĂ©cidĂ©ment rien n’a Ă©tĂ© fait suivant la rĂšgle et il y a plein d’incohĂ©rences ! »
GrĂące Ă  un numĂ©ro de SĂ©curitĂ© Social inscrit dans mon dossier que m’a remis ce responsable et qui serait celui de « Maryse RiviĂšre » (mais ce numĂ©ro correspond il Ă  «Maria» ?), Un ami officier de « La Garde RĂ©publicaine » a fait des recherches, une enquĂȘte. Elle se serait mariĂ©e en 1969.
« Lorsqu’une mĂšre dĂ©cide de laisser son numĂ©ro de SĂ©curitĂ© Social dans le dossier, c’est qu’elle dĂ©sire ĂȘtre identifiĂ©e et qu’elle veut ainsi donner la possibilitĂ© Ă  son enfant de la retrouver s’il le souhaite », a-t-il prĂ©cisĂ©.
De fil en aiguille, mon ami gendarme a rĂ©ussi Ă  trouver une adresse qui lui correspondait Ă  Dommartin-lĂšs-Toul en Meurthe et Moselle, me donnant un numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone. Pour me protĂ©ger et pour me soutenir dans mes dĂ©marches, ma femme a appelĂ©. Florence est tombĂ©e sur dame Ă  la voix ĂągĂ©e (ma mĂšre n’aurait que vingt ans de plus que moi) qui lui a assurĂ© qu’elle habitait lĂ  depuis toujours et que jamais une Maryse n’y avait demeurĂ©e. Encore un mensonge ? Certes, la femme Ă©tait ĂągĂ©e, mais ne semblait pas du tout sourde ou gĂąteuse.
On en est restĂ© lĂ . Je ne peux m’empĂȘcher de penser aux visions de Danya confirmĂ©es par la rĂ©flexologie. A la question : «Qui est sa mĂšre ? », elle a rĂ©pondu :

Aujourd’hui j’ai rĂ©ussi Ă  concrĂ©tiser tous mes rĂȘves de gosse et d’artiste. J’ai une adorable Ă©pouse, quatre beaux garçons pleins de projets, et mĂȘme un premier petit fils Gabriel. J’ai un papa Claude, un maman Denise, une marraine Michelle, un frĂšre BenoĂźt merveilleux, un neveu et filleul, Paul. Une nouvelle fois l’adversitĂ© a Ă©tĂ© vaincue. Que je sois Eric, Michel ou Vincent, peu importe ! J’ai LA VIE devant moi !